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La pollution lumineuse liées aux éclairages artificiels empêche d’observer le ciel nocturne, nuit à la biodiversité, et a des conséquences sur la santé humaine. Voici notre dossier sur le sujet pour mieux en comprendre les nombreux enjeux.
Tous les amoureux du ciel en ont déjà fait l’expérience un jour. Lever les yeux pour n’apercevoir qu’un ciel voilé, jauni, sur lequel se dessinent au mieux Vénus, Véga et quelques rares consœurs brillantes. Loin de là le ciel sombre peuplé de milliers d’étoiles au sein desquelles se distingue la Voie lactée. En cause : l’émission de lumière artificielle extérieure.
Bien que 20 % de la surface du globe soit touchée par la pollution lumineuse, près de 80 % de la population mondiale ne connaît pas la nuit noire ! « En France par exemple, il n’existe quasiment plus aucun endroit où le ciel est noir, explique Sébastien Vauclair, cofondateur du bureau d’études Dark Sky Lab spécialisé dans l’expertise scientifique de la pollution lumineuse et de ses conséquences, et gérant du magasin d’astronomie La Clef des Étoiles en région toulousaine. Même au Pic du Midi, il existe une pollution lumineuse ! ». En 2018, pour voir les étoiles il faut s’éloigner de plusieurs dizaines de kilomètres des grandes villes, où seules quelques pourcents des 3 000 étoiles observables en théorie sont visibles.
En outre, le phénomène n’impacte pas seulement la communauté des astronomes. En dégradant les conditions de vie des espèces végétales et animales, y compris celles de l’Homme, il a une incidence sur l’environnement et sa biodiversité.
Comme l’ont montré les Américains Jeffrey Hall, Michael Rosbash et Michael Young, lauréats du prix Nobel de physiologie et de médecine en 2017, plantes, animaux et êtres humains adaptent leur rythme biologique pour être synchronisés avec les révolutions de la Terre autour du Soleil. Ce phénomène se nomme le rythme circadien. Les végétaux sont donc nécessairement perturbés par un éclairage en continu. Les arbres par exemple, subissent un retardement de la perte des feuilles. Les fleurs elles, restent fermées pour certaines de par l’excès d’éclairage, et s’auto-fécondent ce qui réduit le brassage génétique.
Les animaux qui vivent la nuit sont aussi impactés. Un phénomène massif, quand on sait que plus de 70 % des espèces sont partiellement ou exclusivement nocturnes ! Et même pour certaines lucifuges, c’est-à-dire qu’elles fuient instinctivement la lumière. D’abord dans le ciel, les rapaces nocturnes sont éblouis. Les oiseaux migrateurs, privés de leurs étoiles-guides, sont déviés de leur trajectoire. Les habitudes de chasse et d’alimentation des chauves-souris sont perturbées. Les insectes, quant à eux, sont frénétiquement attirés par les lampadaires, en oublient de se nourrir ou finissent par s’y brûler. Les signaux lumineux que s’envoient les couples de lucioles ne font plus sens au milieu des éclairages artificiels…
De leur côté, les mammifères sont gênés par les routes et ponts éclairés qui nuisent à leur mobilité, en plus de perturber leur rythme circadien. Cervidés, renards ou hérissons évitent la lumière des grands axes routiers et se confinent dans des espaces géographiques réduits. Conséquence : une réduction de la mixité génétique, et donc de la biodiversité.
Sur les plages, les jeunes tortues ne ont plus attirées par le reflet des astres sur l’océan mais par les lumières de la ville… Reptiles, hermines, amphibiens, escargots… La liste est encore longue.
Par ailleurs, pour Sébastien Vauclair : « Les conséquences de la pollution lumineuse vont bien au-delà de l’impact sur les animaux. C’est aussi un problème de santé publique ». Car la lumière intrusive dans nos maisons perturbe le sommeil, et notamment la production d’hormones comme la mélatonine, liée à l’endormissement.
Pire encore, de plus en plus d’éclairages sont remplacés par des LEDs. Plus économes en énergie, ils émettent de la lumière bleue (longueurs d’onde comprises entre 380 et 500 nm), comme les écrans d’ordinateurs et de téléphones portables. Les publications se multiplient sur les conséquences néfastes de cette lumière bleue, interprétée par le cerveau comme la lumière du jour. Une étude européenne menée par le Barcelona Institute for Global Health en 2018 a établi un lien entre l’exposition nocturne à la lumière bleue et un risque accru de cancer du sein et de la prostate.
Enfin, la pollution lumineuse s’apparente à un problème sociétal. « Certains citadins n’ont jamais vu la Voie lactée ! Coupés de leur environnement, ils ne s’interrogent pas sur ce qui les entoure. Pourtant, n’est-il pas fondamental de se questionner sur l’origine de notre planète, du Système solaire, de l’Univers ? ».
À l’heure de réaliser des économies générales, l’éclairage public des communes françaises représente pourtant encore 48 % de leurs dépenses en électricité. Ce montant équivaut à environ 4 millions d’euros par an pour une ville comme Toulouse ! Alors pourquoi tant d’éclairage à des horaires où la plupart d’entre nous rêve dans les bras de Morphée ?
D’abord parce que la lumière nous rassure. Personne ne souhaiterait en effet, comme au Moyen-Âge, que les rues se transforment en coupe-gorges la nuit. En outre, notre mode de vie nécessite beaucoup de lumière : illuminations de Noël, fêtes foraines, concerts, restaurants… Imaginez-vous le Times Square new-yorkais plongé dans l’obscurité ?
Ainsi, entre les lumières extérieures et les radio-réveils, ordinateurs et veilleuses dans nos chambres, 62 % de la population française sont exposés à la pollution lumineuse; alors que 84 % ont l’impression de ne pas y être soumis.
La pollution lumineuse est la plus insidieuse de toutes les pollutions, mais c’est aussi celle qui se combat (en théorie) le plus facilement ! « C’est dans les années 1970 que les professionnels de l’astronomie ont commencé à ressentir la gêne des éclairages artificiels dans leur travail, explique Sébastien Vauclair. Ils ont donc décidé d’installer les grands observatoires terrestres dans des lieux isolés des villes, souvent en haute altitude ».
Aujourd’hui, l’International Dark-Sky Association créée en 1988 attribue le label Réserve internationale de ciel étoilé (RICE) aux espaces publics ou privés de grande étendue jouissant d’un ciel nocturne d’une qualité exceptionnelle. La réserve doit comprendre une zone centrale où la noirceur naturelle est préservée au maximum et une région périphérique où les administrateurs publics, les individus et les entreprises reconnaissent l’importance du ciel étoilé et s’engagent à le protéger à long terme.
L’association définit également les communautés et les parcs de ciel étoilé. C’est la région du mont Mégantic au Canada qui a servi de modèle pour l’élaboration des critères à remplir pour l’obtention de ces dénominations. Mi-2018, une centaine de sites à travers le monde en bénéficient. À noter que le Pic du Midi est labellisé RICE depuis 2013.
Enfin, l’ONU envisage de considérer le ciel étoilé comme « patrimoine commun de l’humanité ».
Notre bien être en ville la nuit passe par l’éclairage, il n’est donc pas question de supprimer tous les lampadaires. La solution, c’est d’éclairer mieux. « Tout simplement, orienter les éclairages publics vers le bas et non plus vers le haut permettrait de perdre moins de lumière et donc d’éclairer plus efficacement, appuie Sébastien Vauclair. En réduisant également l’éclairage pour ne cibler que les lieux et horaires où la lumière est nécessaire, avec des détecteurs de présence par exemple, les grandes villes et communes rurales pourraient diminuer de 25 % et 75 % leur facture d’électricité ». À noter qu’aujourd’hui, 40 % de l’énergie produite pour s’éclairer la nuit est perdue…
Baisser l’intensité de la lumière après 22h, installer des minuteurs, éteindre les lieux non fréquentés la nuit et ne pas illuminer les monuments en permanence sont aussi de bons réflexes. De plus, 70 % d’économies d’énergie peuvent être réalisées en remplaçant les lampes à vapeur de mercure par des technologies plus performantes. Attention toutefois à utiliser des LEDs plus jaunes, pour limiter la lumière bleue.
Pour finir, différentes actions citoyennes permettent de lutter contre la pollution lumineuse. Par exemple, la Earth Hour consiste à éteindre les lumières et débrancher tous ses appareils électriques pendant une heure tous les derniers samedis du mois de mars. Cet événement est organisé par l’ONG WWF et le quotidien australien Sydney Morning Herald.
Enfin, grâce aux applications « ciel en péril » (Android) et « Dark Sky Meter » (iOS) mises en place par l’International Dark-Sky Association, il est possible de mesurer la luminosité du ciel partout où l’on se trouve. Les données collectées servent ensuite à produire des cartes mondiales de la qualité du ciel. Le programme international « Globe at night » a les mêmes objectifs.
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