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Jupiter impressionne par ses dimensions et les tempêtes qui ne cessent de faire rage à sa surface. La géante gazeuse est observée par les astronomes depuis l’Antiquité, pourtant, beaucoup d’inconnues subsistent quant à sa nature et à celles de ses lunes. Des mystères que la mission américaine Juno commence à élucider, bientôt complétée par JUICE l’européenne.
Photo-montage NASA/JPL montrant l’arrivée de la sonde Juno à proximité de Jupiter.
Jupiter est une planète géante gazeuse. Majoritairement composée de gaz (95%), notamment d’hélium et d’hydrogène qui sont des gaz légers, elle est pourtant plus massive que toutes les planètes du Système solaire réunies (1,9×1027kg). Son volume lui, équivaut à 1321 fois celui de la Terre… Du nom du Dieu des dieux romain Jupiter – Zeus dans la mythologie grecque – elle est la cinquième plus éloignée du Soleil après Mercure, Vénus, la Terre et Mars, à 780 millions de kilomètres de notre étoile.
Bien que Jupiter soit connue depuis l’Antiquité, beaucoup d’incertitudes planent toujours sur sa structure et sa composition. Au vu des connaissances actuelles, l’astre serait constitué d’une fine atmosphère gazeuse (1000 km d’épaisseur) riche en hydrogène moléculaire (86%) et en molécules d’hélium (13%). On y trouve de denses nuages aux teintes marron, rouge et blanches, dues à la présence d’ammoniac. Puis, la température et la pression augmentant avec la profondeur, l’hydrogène se condenserait progressivement sous la forme d’un brouillard de plus en plus épais, se transformant finalement en une mer d’hydrogène moléculaire liquide pauvre en hélium, localisée entre la partie basse de l’atmosphère gazeuse et environ 10 000 km de profondeur.
Entre 10 000 km et 60 000 km, où la température dépasse 20 000 °C et la pression atteint 40 millions d’atmosphères terrestres, on trouverait ensuite de l’hydrogène métallique liquide, un peu comme du mercure. En effet, la très forte pression casse les molécules d’hydrogène, leur faisant perdre un ou plusieurs électrons et les transformant ainsi en espèces chimiques chargées : des ions. Ce processus appelé ionisation octroie au gaz les propriétés d’un métal conducteur, d’où le nom d’hydrogène métallique, dans lequel les électrons peuvent aisément se déplacer et former un courant électrique. C’est cette couche qui serait à l’origine du champ magnétique de Jupiter, le plus puissant des huit planètes du Système solaire. Enfin, au centre de la planète, les recherches en cours pointent vers l’existence d’un noyau solide constitué de roche (silicate et nickel) ou de glace, de masse équivalente à environ trois fois celle de la Terre.
Autour de Jupiter, gravitent 67 satellites naturels, dont 53 ont un nom. Les quatre plus imposants sont Io, Europe, Ganymède et Callisto. Ces astres sont surnommés lunes galiléennes en référence au physicien Galilée qui les découvrit en 1610 par observation à la lunette, instrument qu’il a été le tout premier à braquer vers le ciel.
Io est la lune la plus proche de Jupiter à 420 000 km de la planète. Avec plus de 400 volcans en activité, le satellite est l’objet le plus actif du Système Solaire ! Contrairement à beaucoup d’autres lunes qui possèdent une épaisse couche de glace, Io la montagneuse est essentiellement composée de roches silicatées entourant un noyau. Sa surface est recouverte de soufre et de dioxyde de soufre, ce qui lui donne sa couleur jaune orangé.
Europe est la plus petite des quatre lunes galiléennes, et peut-être pourtant la plus intéressante. Elle possède la surface la plus lisse du Système solaire, entièrement recouverte de glace. Et bien que sa température de surface soit au maximum de −150 °C, les données fournies par la sonde américaine Galileo à la fin des années 1990 ont permis de déterminer qu’il existait probablement un océan d’eau liquide de composition proche de celle des océans terrestres sous sa surface glacée. Ceci fait d’Europe un des meilleurs candidats à la présence de vie extraterrestre dans notre Système Solaire. C’est pourquoi la Nasa a élaboré la mission Europa Clipper, dédiée à l’étude de ce satellite. Mais le projet est complexe. Estimé à 2 milliards de dollars sans le lanceur, il est pour l’instant trop lourd pour le budget de l’agence spatiale américaine…
Troisième lune galiléenne à 1 million de kilomètres de sa planète, Ganymède est le satellite le plus volumineux de Jupiter, et du Système solaire. Avec ses 5 268 km de diamètre, son volume dépasse celui de la planète Mercure. Constitué pour moitié de roches silicatées et pour autre moitié de glace d’eau, il ne représente pourtant que 45% de la masse de Mercure. D’après les données de la mission Galileo, Ganymède posséderait lui aussi un océan d’eau liquide souterrain salée. Dernière et quatrième grosse lune du système jovien, Callisto est le plus éloigné des quatre satellites galiléens et se compose à 50% de glace. Toujours d’après Galileo, il posséderait un océan d’eau liquide à plus de 100 km de profondeur.
Les premiers survols de Jupiter ont été effectués dans les années 1970 par les sondes Pioneer 10 et Pioneer 11 qui fournissent les premières photos détaillées de la géante gazeuse et de ses lunes. Durant leur voyage vers l’extérieur du Système solaire, Voyager I et II permettent une étude plus poussée d’Io, Europe, Ganymède et Callisto et découvrent que Jupiter possède de très fins anneaux, constitués de particules de poussières. Puis, entre 1995 et 2003, ce sont les 22 instruments de la mission Galileo de la Nasa qui permettent d’étudier le système jovien.
Mais les années passent, et les connaissances sur la géante gazeuse stagnent. Jusqu’en 2016, le seul engin spatial à s’être placé en orbite autour de Jupiter était la sonde Galileo… C’est la Nasa qui relance l’exploration avec la mission spatiale Juno. Lancée le 5 août 2011, elle orbite autour de Jupiter depuis le 5 juillet 2016. Elle a déjà réalisé plus de 30 bas survols de la planète, frôlant pour la première fois les pôles de Jupiter à environ 10 000 km et son équateur à 5000 km d’altitude. La mission doit recueillir des données dans l’environnement jovien au moins jusqu’en septembre 2025.
Juno doit permettre de cartographier les puissants champs gravitationnels et magnétiques de Jupiter pour déterminer sa structure interne, et mesurer la quantité d’eau et d’ammoniaque dans sa basse atmosphère pour vérifier si la planète possède bien un noyau. La mission s’intéresse aussi à la magnétosphère jovienne et aux aurores qui se produisent au niveau des pôles.
NB : la magnétosphère est une sorte de bulle qui entoure une planète et dans laquelle tous les phénomènes physiques sont dominés par le champ magnétique de cette planète. Celle de la Terre nous protège des vents solaires, ces flux d’ions et d’électrons générés dans la haute atmosphère du Soleil et nocifs pour la vie.
Des phénomènes 6000 fois plus intenses que les aurores boréales et australes observables sur Terre ! La combinaison de toutes ces données devrait permettre de déterminer le processus de formation de la géante gazeuse et ainsi préciser les modèles de formation du Système solaire. En effet, les scientifiques pensent que Jupiter a été la première planète de notre Système solaire à se former, juste après le Soleil, il y a 4,6 milliards d’années, mais ignorent précisément comment.
La caméra de la mission Juno, JunoCam imager, a pris en 2017 des photos très détaillées de la surface de Jupiter en particulier de la Grande Tache rouge (voir plus loin) et des régions polaires. Les chercheurs viennent notamment de découvrir que les pôles sont en fait recouverts d’impressionnantes tempêtes de tailles comparables à la Terre, et collées les unes aux autres. Ils tentent aujourd’hui de déterminer comment elles se forment, et surtout si elles vont finir par disparaître pour laisser place à d’autres, ou bien tourbillonner à l’infini dans un système dynamique stable.
En outre, d’après les premières observations de Juno, les processus à l’œuvre dans la création des aurores polaires seraient très différents de ceux de la Terre. De son côté, le radiomètre embarqué indique que la quantité d’ammoniac dans l’atmosphère de Jupiter augmente avec la profondeur, jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres, où la portée de l’instrument atteint sa limite.
De plus, l’intensité du champ magnétique de Jupiter, qui a pu être mesurée avec précision avec un magnétomètre, atteint 7,766 Gauss. Cette valeur est 10 fois supérieure au plus fort champ magnétique enregistré sur Terre et dépasse tous les pronostiques, confirmant ainsi que Jupiter possède bien le magnétisme le plus puissant du Système solaire. D’autre part, le champ magnétique apparaît irrégulier, plus intense en certains endroits et moins dans d’autres. Les scientifiques en on déduit que l’effet dynamo qui génère le magnétisme de Jupiter aurait lieu plus proche de la surface de la planète que prévu. Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que l’effet dynamo de Jupiter avait lieu dans la couche d’hydrogène métallique, plus en profondeur que ce qu’indiquent les fraîches données de Juno…
Note bene : la dynamo terrestre correspond aux mouvements rapides des alliages de fer et de nickel en fusion dans la partie liquide du noyau de notre planète, qui agissent, en première approximation, comme un aimant, et génèrent un champ magnétique : le champ magnétique terrestre. Sur Jupiter, l’hydrogène métallique pourrait selon certaines hypothèses être responsable de cet effet.
Un des éléments les plus emblématiques de Jupiter est la Grande Tache rouge. Elle correspond en réalité à une tempête géante comparable à un ouragan. Juno a survolé cet « œil de Jupiter » découvert en 1665 par le Français Jean-Dominique Cassini, à environ 9000 km d’altitude, autrement dit de très près.
Elle a déterminé que le cyclone mesurait environ 16 000 km, soit 1,3 fois le diamètre de la Terre !
Toutefois, l’information principale pour laquelle les scientifiques n’avaient encore aucune estimation concerne la profondeur de la tempête. Ainsi, l’ « œil de Jupiter » serait 50 à 100 fois plus profond que les océans terrestres, et plus chaud à sa base qu’au sommet. Ses vents, qui peuvent atteindre les 700 km/h, sont dus à cette différence de température.
Avec un lancement prévu en juin 2022, la mission de l’Esa Jupiter Icy Moon Explorer (JUICE) rejoindra Juno dans l’environnement jovien en 2029. Elle observera Jupiter, et surtout ses trois plus grands satellites Europe, Ganymède et Callisto, qui renfermeraient chacun un océan sous une croûte solide.
La mission JUICE doit survoler Europe et Callisto entre 2030 et 2031 avant de se placer en orbite autour de Ganymède en décembre 2032, pour une étude plus approfondie de cette lune qui se démarque par son champ magnétique notable. Le radar embarqué Radar for Icy Moons Exploration (RIME) est un des instruments les plus fondamentaux de la mission car il sera capable de sonder à travers la glace, une capacité fondamentale pour mesurer l’épaisseur de la croûte glacée des lunes galiléennes et d’étudier leurs potentiels océans subglaciaires.
JUICE est la première sonde spatiale européenne à destination d’une des planètes du Système solaire externe. Finalement, son but est de déterminer si des conditions propices à l’émergence à la vie sont présentes dans les océans d’Europe, Ganymède et Callisto. La sonde spatiale s’intéressera aussi à l’atmosphère et à la magnétosphère de Jupiter.
Visible à l’œil nu dans le ciel nocturne, Jupiter est habituellement le quatrième objet le plus brillant de la voûte céleste, après le Soleil, la Lune et Vénus. Parfois, Mars apparaît plus lumineuse que Jupiter et, de temps en temps, Jupiter apparaît plus lumineuse que Vénus. Tout compte fait, la géante gazeuse est bien visible pendant une bonne partie de l’année. Tous les détails sur notre page dédiée Observer Jupiter.
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