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En préparation depuis plus de dix ans, la mission européenne JUICE a décollé le 14 avril 2023. La sonde va en particulier étudier trois des quatre lunes de Jupiter. Parmi les principaux enjeux, confirmer la présence d’océans souterrains d’eau liquide, un pas de plus vers la recherche d’habitabilité…
JUICE est la toute première sonde spatiale de l’Agence spatiale européenne (Esa) à destination de Jupiter. La sonde JUpiter ICy moons Explorer a pour but d’étudier l’environnement jovien et notamment trois des quatre lunes de Jupiter : Europe, Ganymède et Callisto. En 2031, elle se placera en orbite autour de la géante gazeuse, avant d’effectuer des survols rapprochés d’Europe et de Callisto, puis de se placer en orbite autour de Ganymède.
Depuis 2016, c’est la mission Juno de l’Agence spatiale américaine (Nasa) en orbite autour de Jupiter qui s’attèle à cette tâche, mais sans être aussi bien équipée pour étudier les lunes galiléennes que JUICE. Pour rappel, les lunes galiléennes sont les quatre plus grands satellites naturels de Jupiter. Ils sont, avec la géante gazeuse, une des cibles favorites des astronomes amateurs.
Juno est adaptée à l’étude de la magnétosphère, des aurores et de l’atmosphère de Jupiter. Elle ne possède pas de capacité d’imagerie et de spectrométrie suffisante pour s’intéresser finement aux surfaces et aux compositions des lunes comme peut le faire JUICE. Celle-ci possède en particulier un instrument révolutionnaire que ne possède pas Juno et dont n’était pas non plus pourvue la mission Galileo : le radar RIME, qui sera capable de sonder à des profondeurs de quelques centaines de mètres, voire de kilomètres, les couches superficielles des lunes.
JUICE se démarque par ses objectifs scientifiques particulièrement variés et ambitieux. “Les dix instruments de la mission ont été conçus pour fonctionner ensemble afin de nous donner une vision globale de l’environnement jovien, appuie Denis Grodent, chercheur en planétologie et directeur du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) de l’université de Liège en Belgique. Avec la géante gazeuse et ses quatre principaux satellites naturels, c’est à un ‘mini système planétaire’ auquel nous avons accès.”
Plus particulièrement, JUICE doit permettre de trouver des réponses à l’un des plus grands fantasmes du Système solaire : la présence d’eau liquide ailleurs que sur Terre. “D’après les modèles et calculs, nous ne serions pas surpris de vérifier la présence d’un océan d’eau liquide sous la surface glacée d’Europe”, explique Philippe Louarn, chercheur en astrophysique et directeur de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de Toulouse (IRAP). L’IRAP est impliqué dans le développement du détecteur de particules et plasma PEP et du détecteur d’ondes radio et plasma RPWI. “L’objectif est de déterminer le volume de cet océan, l’épaisseur de la couche de glace sous laquelle il se trouve, et surtout, d’essayer de comprendre si le fond de cet océan liquide est en contact direct avec le noyau rocheux de la lune. Cela serait un grand pas pour l’étude de l’habitabilité et pour envisager la possibilité d’une chimie complexe”, expose le chercheur.
Cette fameuse habitabilité, c’est-à-dire des conditions propices à l’apparition de la vie, est sans doute facilitée par l’existence d’eau liquide et des échanges d’énergie et de matière avec la roche. “C’est ce qui se produit au fond des océans sur Terre et qui pourrait également se trouver sur Europe”, ajoute Philippe Louarn. Si océan il y a, celui-ci sera vraisemblablement salé, chargé de sels minéraux et d’éléments chimiques en suspension (calcium, chlore, sulfates…) liés au contact avec la roche. C’est notamment le magnétomètre J-MAG qui permettra de déceler l’océan en mesurant les perturbations qu’il induit dans le champ magnétique de Jupiter. De son côté, le radar RIME nous donnera accès au sous-sol d’Europe afin de déterminer les épaisseurs de la couche de glace et de l’océan.
JUICE va survoler Europe, mais la grande star de la mission, c’est Ganymède. La sonde doit se placer en 2034 en orbite autour de cette lune – la plus grande des quatre, dont la taille est supérieure à celle de Mercure – avant de s’écraser à sa surface l’année suivante à la fin de la mission. Le fait de se mettre en orbite va décupler la quantité de données recueillies. “À la différence d’Europe, nous sommes moins sûrs que Ganymède possède un océan d’eau liquide, reprend Philippe Louarn. Si c’est le cas, nous aurons la même interrogation sur le contact de l’eau avec la roche, même si les modèles laissent penser que l’océan est plutôt sous forme de bulles de liquide géantes emprisonnées dans des cavités de glaces de différentes natures”.
En outre, la mission va effectuer plusieurs survols de Callisto, le satellite galiléen le plus éloigné de Jupiter. Il n’est pas du tout clair que Callisto puisse posséder des couches liquides, même si cela n’est pas exclu. Fait remarquable cependant, sa structure interne est potentiellement non différenciée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas séparée en un noyau et plusieurs couches comme celles des autres lunes (ou de la Terre !), mais constituée d’un agrégat plus homogène de roches et de glaces.
En survolant Europe et Callisto de près, la sonde va subir des perturbations de trajectoire qui nous renseigneront sur leurs structures internes. À noter que JUICE se placera en orbite autour de Ganymède et ne fera que survoler Europe et Callisto en raison des ceintures de radiations qui rendraient difficile la cohabitation avec les instruments autour de ces deux lunes. Enfin, le quatrième satellite galiléen Io, le plus proche de Jupiter, est le siège d’un volcanisme très actif et n’est donc pas candidat à la présence d’eau liquide.
Pour conclure, soulignons que la mission JUICE a bien d’autres objectifs scientifiques, comme par exemple l’étude du lien entre les aurores et les magnétosphères de Jupiter et de Ganymède (la seule des quatre lunes à posséder un champ magnétique intrinsèque). “L’enjeu de la mission est vraiment la comparaison entre les trois lunes. Pourquoi sont-elles si différentes ?, termine le directeur de l’IRAP. La mission est très exploratoire car on connaît les satellites galiléens de manière très peu poussée. Ils ne se sont pas forcément formés au même endroit, ont pu migrer, et pourtant sont en résonance les uns avec les autres. L’histoire de ces lunes est encore un mystère…”
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