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La météorologie de l’espace étudie les perturbations de l’environnement spatial de la Terre, notamment dues à l’activité solaire. Aurores polaires, dérèglement des satellites, irradiation des astronautes… Zoom sur les phénomènes qui animent l’environnement spatial de la planète bleue.
Tout comme la météo terrestre avec ses tempêtes et ses anticyclones, il existe une météorologie de l’espace, space weather en anglais. Cette science a pour objectif d’étudier l’évolution des environnements spatiaux naturels, planétaires et interplanétaires.
Plus précisément pour nous terriens, la discipline s’intéresse à l’analyse et à la prédiction de l’état du Soleil, ainsi qu’aux perturbations induites par lui ou d’autres éléments sur l’environnement spatial de la planète bleue. Il peut s’agir de conséquences naturelles comme les aurores boréales, artificielles comme les perturbations créées sur les satellites ou encore biologiques, telles que la physiologie des astronautes dans l’espace.
L’atmosphère du Soleil se compose de deux parties : la chromosphère et la couronne. La couronne s’étend sur plus de 10 millions de kilomètres au-dessus de la surface de l’astre, et laisse place à partir de 20 rayons solaires à l’héliosphère, une « bulle géante » qui représente un flux continu de plasma : le vent solaire. De son côté, la chromosphère expulse régulièrement des jets de matière ionisée qui traversent la couronne à des vitesses comprises entre 50 et 100 km/s. Ce sont les éruptions solaires.
Le vent et les éruptions solaires, dont la fréquence varie selon un cycle d’une durée moyenne de 11 ans, font parvenir jusqu’à la Terre de grandes quantités de rayonnements et de matières. Les ondes électromagnétiques qui nous arrivent (rayons ultraviolets, X et radio principalement) mettent environ huit minutes à atteindre l’atmosphère terrestre. Des flux de particules à hautes énergies rejoignent également la Terre (protons, électrons, noyaux d’hélium…) en suivant les lignes de champ magnétique associées à notre planète.
Seules les éruptions solaires les plus violentes peuvent être détectées au niveau du sol et surtout à haute latitude, puisque la Terre est globalement protégée par sa magnétosphère – bulle entre 800 et 1000 kilomètres d’altitude qui entoure la planète et dans laquelle tous les phénomènes physiques sont dominés par le champ magnétique.
Par ailleurs, le Soleil peut générer des éjections coronales de masse (CME), ou bulles de plasma, qui mettent un à deux jours à nous atteindre. En période de forte activité solaire, il peut s’en produire plusieurs par jour. Finalement, pour résumer, l’atmosphère terrestre est en permanence… bombardée de rayonnements et de particules chargées.
À leur arrivée dans l’environnement spatial terrestre, les particules énergétiques du vent solaire sont piégées par les lignes de champ magnétique de notre planète. Elles suivent ces lignes jusqu’aux pôles, où elles entrent en collision avec des particules de la magnétosphère, qu’elles accélèrent. Ce sont ensuite ces particules accélérées vers la Terre qui, en rencontrant des particules de l’atmosphère, créent les aurores polaires. Ces aurores sont qualifiées de « boréales » au Pôle Nord, et d' »australes » au Pôle Sud. A noter que la Terre n’est pas la seule planète à posséder des aurores : Jupiter, Saturne, Uranus ou encore Neptune en ont aussi.
D’autre part, les éruptions solaires et les éjections de masse coronale provoquent régulièrement des « rafales » de vent solaire. Pendant ces tempêtes solaires, l’atmosphère terrestre est bombardée d’environ 1000 fois plus de particules qu’en temps normal. Les périodes de forte activité solaire peuvent donc donner lieu à une profusion d’aurores polaires, non sans avoir d’autres conséquences moins poétiques…
Les tempêtes solaires sont capables de perturber les transmissions radioélectriques terrestres (radio, télévision, GPS, Galileo…). En effet, les particules issues de ces tempêtes pénètrent profondément dans la matière : quelques millimètres pour les électrons et quelques centimètres pour les protons. Elles peuvent donc causer d’importants dégâts matériels sur les satellites de télécommunication, souvent en orbite géostationnaire à 36 000 km d’altitude, bien au-dessus de la magnétosphère terrestre et donc non protégés par celle-ci. L’accumulation de charges électriques est également possible, ce qui peut endommager la mémoire du satellite (bits qui passent de 0 à 1 et inversement) ou s’attaquer à des éléments plus vitaux tels que le système de contrôle d’altitude, rendant parfois totalement inopérant des engins spatiaux.
De plus, les satellites sont affectés par le rayonnement ultraviolet, qui altère la structure cristalline des panneaux solaires et diminue leur rendement. Les panneaux solaires perdent typiquement 25 % de leur rendement en dix ans, mais une seule éruption solaire peut faire chuter cette valeur de plusieurs pour cent.
En outre, la transmission des signaux électromagnétiques entre le sol et les satellites peut aussi être altérée, puisque les ondes associées aux télécommunications traversent l’ionosphère, couche ionisée de l’atmosphère. Lors d’une tempête solaire, qui se caractérise par un orage magnétique dans l’environnement terrestre, les caractéristiques de cette couche sont modifiées, ce qui perturbe la transmission des ondes entre les satellites et le sol.
Les ondes radio émises par le Soleil peuvent aussi interférer directement avec les émissions terrestres, comme en 2003, lorsqu’à la suite d’une série d’éruptions solaires, le contact radio entre plusieurs vols transpolaires d’avions et le sol a été perdu pendant plus d’une heure, et le GPS rendu inutilisable.
Enfin sur Terre, les orages magnétiques ont la capacité de générer du courant électrique continu dans les grandes lignes à haute tension. Cela peut engendrer des surchauffes dans les transformateurs des postes électriques et d’importantes coupures de courant. Lors d’une éruption solaire en 1989, une panne historique a par exemple touché pas moins de six millions de personnes au Québec. Les aurores polaires associées avaient été observées jusqu’au Texas.
Par ailleurs, les particules issues des tempêtes solaires pénétrant profondément dans la matière et les êtres vivants étant faits de matière, il existe un risque pour l’homme. Les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS), et bientôt les explorateurs lunaires et les futurs pionniers de l’aventure martienne, sont et seront inévitablement exposés à ce risque.
Les éruptions solaires les plus violentes, en moyenne deux tous les dix ans, sont capables de tuer un astronaute en quelques minutes si ce dernier ne se trouve pas à l’abri, par exemple lors d’une sortie extra-véhiculaire. Les missions Apollo vers la Lune ont été épargnées, mais le risque augmente si l’on considère une mission vers Mars, d’une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Il faudra ainsi travailler sur des habitacles blindés au sein des vaisseaux spatiaux et éviter les sorties extra-véhiculaires lors de périodes à risque.
De leur côté, les astronautes de l’ISS reçoivent en moyenne quotidiennement la quantité de radiations reçue sur Terre pendant un an, malgré la protection de la magnétosphère. Toutefois, cette irradiation est principalement due aux particules très énergétiques en provenance de l’espace interstellaire et de l’espace intergalactique : le rayonnement cosmique. Dans le cas d’une tempête solaire ponctuelle, l’habitacle de l’ISS est capable de protéger les astronautes de la majorité des rayonnements et particules incidents.
A noter que dans l’aviation de ligne, le personnel navigant et les passagers sont également sujets à un rayonnement ionisant légèrement plus important qu’au sol, notamment à haute latitude. Le Concorde était par exemple l’un des rares appareils équipés de dosimètre (outil de mesure du degré d’irradiation des passagers), puisqu’il volait très haut à environ 18 kilomètres d’altitude. Aujourd’hui, les nouvelles réglementations imposent un suivi régulier des doses reçues. En théorie, une tempête solaire ponctuelle n’a pas d’influence en raison de la protection de l’atmosphère terrestre.
Les tempêtes solaires sont très difficilement prévisibles car, bien qu’émanant de zones très actives du Soleil que l’on peut repérer, elles peuvent entrer en éruption à tout moment, tout comme un séisme. La sonde spatiale Solar and Heliospheric Observatory (SoHO) observe la surface du Soleil avec attention, notamment pour repérer ces zones et détecter les éjections de masse coronale (CME), depuis sa mise en orbite en 1996. Sa mission devrait durer jusqu’en 2025.
Le grand défi de la météorologie de l’espace est d’arriver à prédire les caractéristiques et l’heure d’arrivée précise des tempêtes solaires et des CME à partir des données d’observation. Heureusement, certains événements sont plus prévisibles que d’autres, comme les orages magnétiques récurrents. Ils sont en effet liés à des régions où les lignes de champ magnétique solaire s’ouvrent vers l’espace interplanétaire, et comme le Soleil tourne sur lui-même en 27 jours environ, ces perturbations balayent la Terre à intervalles réguliers.
L’importance de la météo de l’espace est immense en raison des conséquences néfastes décrites tout au long de cet article. L’amélioration des capacités de prédiction actuelles est donc nécessaire, et repose aujourd’hui sur nos progrès dans la compréhension de la physique du Soleil, par exemple grâce aux missions Parker Solar Probe et Solar Orbiter. Enfin, l’intelligence artificielle devrait avoir son rôle à jouer dans les années à venir, puisqu’elle permet de corréler plus efficacement les signes précurseurs observables des tempêtes solaires avec les modèles physiques.
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